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Quels sont les effets des conflits sur le coût de la nourriture?

GUERRES, COÛTS DE NOURRITURE ET POLITIQUES COMPENSATOIRES :

UNE APPROCHE EN DONNÉES DE PANEL

Hamid E. Ali, Eric S. Lin

Food Policy (2010)

 


L’article étudie la relation entre les guerres et le coût de nourriture. En effet, les conflits armés sont un facteur important de l’insécurité alimentaire (famine, pauvreté), elle-même composante de la sécurité humaine, c’est-à-dire l’accès aux besoins de première nécessité (dont fait partie la nourriture). L’intérêt de cet article est double. Premièrement, les auteurs construisent un nouvel indicateur du coût de la nourriture (foodcost) qui prend en compte la structure salariale, plutôt que les prix agricoles, dont les données sont souvent mauvaises en temps de conflit. Deuxièmement, contrairement aux travaux antérieurs sur le sujet, et de par la construction même de l’indicateur, l’accent est porté davantage sur les facteurs d’offre, qui expliquent la hausse des coûts de nourriture. Plus précisément, les auteurs définissent le coût alimentaire (foodcost) comme le salaire relatif payé pour produire de la nourriture, comparé à ceux payés dans les autres secteurs.


Les conflits désorganisent les infrastructures, les marchés et les ressources humaines nécessaire à la production alimentaire. Ils détruisent les cultures et disséminent les population paysannes. Par ailleurs, les conflits déstabilisent, voir anéantissent, les systèmes de gouvernance existants et ré-organisent les secteurs productifs pour l’effet de guerre. Les guerres auraient donc tendance à pousser les salaires relatifs du secteur agroalimentaire à la hausse. D’un côté, une demande excessive alimentée par la commercialisation de nourriture au sein d’une économie de guerre (marchés informels, corruption et spéculation), qui rend rationnels les comportements de recherche de rentes. De l’autre, une offre contrainte par la fragilisation de la capacité d’action de l’État, qui l’empêche d’organiser la distribution des ressources alimentaires. De plus, les migrations provoquées par la guerre peuvent affecter la main d’oeuvre disponible, augmenter sa rareté et donc les salaires payés dans le secteur. Par ailleurs, la nourriture peut être utilisée comme arme de guerre par les belligérants, par exemple en retenant ou contaminant les ressources envoyées à leurs ennemis. Suivant Singer & Small (1994), les auteurs supposent que le type de guerre détermine en partie son impact sur le coût de la nourriture (foodcost). Plus précisément, les guerres civiles tendraient à détruire les normes socio-économiques et la capacité d’action, et d’organisation, de l’État davantage que celles internationales. L’impact des guerres civiles sur le coût alimentaire (foodcost) serait donc plus important. Au contraire, les guerres internationales toucheraient moins au territoire national et attireraient davantage l’aide extérieure grâce à une meilleure visibilité.


Pour tester leurs hypothèses, les auteurs utilisent des données de panel pour 41 pays de 1960 à 1999. En plus des deux variables de guerres civiles et internationales, on contrôle pour l’impact d’une série d’autres sur le coût alimentaire. Ces variables correspondent pour la plupart à des stratégies utilisées par les gouvernements pour réduire l’inflation sur le marché des biens alimentaires en cas de crise. Tout d’abord, on retrouve les terres cultivables. En effet, étendre la surface des terres cultivables permet aux gouvernements d’augmenter la quantité disponible de nourriture mais aussi de réduire le coûts des biens agricoles en rendant les agriculteurs plus productifs. Ensuite, l’aide étrangère reçue par un pays peut avoir un impact direct sur le coût des biens alimentaires, dans la mesure où elle facilite l’importation d’équipements agricoles rendant ainsi le travail agricole plus productif. L’importations de produits alimentaires en temps de guerre permet d’augmenter l’offre totale de biens alimentaires, ce qui exerce une pression à la baisse sur les niveaux des prix. Enfin, une série de variables économiques est introduite afin d’isoler leur impact sur le coût des biens alimentaires. On y trouve la part de la dépense de consommation finale dans le PIB, la part de la valeur ajoutée du secteur alimentaire au sein de l’industrie manufacturière et un indice de production alimentaire.


L’étude empirique* permet de valider l’hypothèse principale des auteurs. Les guerres civiles augmentent en moyenne de 2,16% le coût des biens alimentaires (ce qui n’est néanmoins pas énorme). En revanche, les guerres internationales (International War) ne semblent pas avoir d’impact significatif sur le coût alimentaire. Peut-être en raison d’une durée généralement plus courte pour ce type de conflit et de leur plus grande visibilité internationale, qui attire l’aide extérieure. Ensuite, l’objectif secondaire de cet article était d’étudier les politiques les plus efficaces en cas de guerre pour contrecarrer la pression à la hausse des salaires dans le secteur agro-alimentaire. Les résultats empiriques montrent que l’aide étrangère reste la meilleure solution parmi celles testées (augmentation des terres agricoles, importation des produits alimentaires, aide étrangère). En moyenne, l’aide étrangère réduit de 0,3% le coût des biens alimentaires (contre 0,24% pour les terres agricoles). En revanche, l’importation de nourriture ne semble pas déterminante.


* Le modèle économétrique prend la forme d’un modèle à effets aléatoires, estimé par la méthode des moments généralisés. De plus, différents tests de robustesse sont appliqués, dont l’un sur le potentiel risque d’endogénéité entre certaines variables économiques et la variable de coût alimentaire. En effet, on peut imaginer un effet de rétroaction du second sur les premières, ce qui induirait un biais de simultanéité (double causalité).

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