Pourquoi voir ou revoir Les Dieux sont tombés sur la tête de Jamie Uys ?
Avant toutes choses, le Journal tient à préciser certains éléments relatifs à ce film. Bien qu'étant officiellement botswanais, le film a entièrement été financé par des fonds provenant d'Afrique du Sud sous l'ère de l'apartheid. Ce stratagème eut pour objectif de contourner le blocus en place sur ce pays à ce moment (nous sommes en 1980) et de pouvoir diffuser le film librement à travers le monde.
Un détail, certes, mais ce détail n'en est toutefois plus un dans la mesure où il est à la base d'une des principales critiques émises à l'encontre de ce film et de son réalisateur. En effet, l'un des messages sous-jacent à l'intrigue serait que les populations noires d'Afrique vivraient plus heureuses isolées de la société "civilisée" des populations blanches de l'époque.
Néanmoins, Gods must be crazy (Les Dieux sont tombés sur la tête) est incontestablement un film d'importance dans la culture cinématographique africaine. En outre, en dépit des reproches faits à Jamie Uys, trois des acteurs principaux du film se sont par la suite engagés contre le régime d'apartheid (Sandra Prinsloo étant même au cinéma la première actrice afrikaner a avoir séduit une personne de peau noire), le troisième étant lui-même de peau noire.
Passé ce débat, nous vous assurons que Les Dieux sont tombés sur la tête est assurément un film qui vaut le détour et voici pourquoi :
1. Pour découvrir la tribu des Bochimans, cette tribu du désert du Kalahari, à cheval entre le Botswana, l'Afrique du Sud et la Namibie. Elle pratique une langue à clics, sons singuliers qui rythment l'ensemble du film. Mais surtout, on découvre ce peuple qui vit en harmonie avec la Nature, n'y prélève que le strict minimum et vit dans un respect total d'autrui et de son environnement.
2. Pour apprécier d'une façon tout à fait nouvelle une critique de la société actuelle. Ce film a beau avoir plus de 30 ans, sa critique de la société de consommation résonne parfaitement à nos oreilles. On apprécie particulièrement l'intrigue initiale du film, une bouteille de Coca-Cola jetée par la fenêtre d'un avion (pardi !), s'écrasant au beau milieu d'un campement de Bochimans qui l’idolâtre tel un cadeau des Dieux pour qu'au final elle se trouve être au cœur de convoitise et de jalousie du fait de son unicité.
3. Parce que le format de ce film est étonnant et que cela lui réussit ! Il commence sous un aspect de documentaire, avec une voix narrative (voix de Yves Robert, cinéaste français à qui l'on doit notamment les adaptations de La guerre des boutons de 1961 et des romans de Marcel Pagnol, La Gloire de mon père et Le château de ma mère) qui fait de brèves apparitions tout au long du film. On observe ensuite quatre destins séparés qui finiront par se lier : une journaliste lasse de la société dans laquelle elle vit, un scientifique isolé en plein milieu du Kalahari n'arrivant pas à parler aux femmes, un révolutionnaire-putschiste en fuite et enfin Xi, un Bochiman chargé de rapporter le cadeau empoisonné aux Dieux.
4. Parce qu'on aime l'humour vieillot à l'anglaise: scènes en accélérées, petites musiques comiques, maladresses et quiproquo, on adhère ou pas mais à petite dose ça n'a rien perdu de son charme.
5. Parce qu'on ne peut pas être indifférent à ces paysages d'Afrique ! Malgré les dictatures, les tentatives de coup d'Etat et les perversions diverses rencontrées au cours du film et au cours de l'Histoire de ce continent, la beauté naturelle et immuable de cette terre ne peut que nous subjuguer, à l'image de la scène finale avec Xi et les chutes Victoria ! Je vous laisse admirer.