Quel lien existe-t-il entre investissements domestiques, IDE et gouvernance ?
'Inside Out' de Aakash Nihalani (Inde), source : www.unurth.com
Ce post est un résumé de l'article "Gouvernance, Investissement privé et Investissement Direct à l’Étranger dans les pays en développement" d'Oliver Morrissey et Manop Udomkerdmongkol, publié dans World Development en 2011.
Revue de la littérature
1. Effet d’éviction entre IDE et investissement privé
On sait que les investissements ont un effet positif sur la croissance économique, puisqu'ils y contribuent directement en tant que composante de la demande domestique. Cependant, on peut distinguer l'investissement d'origine interne (public et privé) et externe (investissement directs à l'étranger reçu). Alors, il est possible qu'un effet d’éviction entre ces deux formes d'investissements existe. Autrement dit, une hausse des IDE pourrait entrainer une baisse des investissements domestiques entrepris dans le pays.
Les travaux empiriques ne trouvent pas un résultat clair sur l’existence ou non de cet effet d’éviction. Les résultats changent selon la période et la localisation géographique.
2. Gouvernance et investissements
Parallèlement, on admet généralement qu’un bon niveau de gouvernance est favorable à l’investissement privé total, alors que l’instabilité politique nuit au niveau d’investissement d’un pays.
Au contraire, on connaît moins l’impact de la gouvernance sur les IDE. Les études empiriques ne semblent pas en mesure d’établir un lien clair entre les deux. Ce lien semble dépendre des caractéristiques propres aux pays (part du secteur extractif par exemple). Les auteurs expliquent que l’une des raisons de cette incapacité vient peut-être de la définition trop large du concept de « gouvernance ». Ils proposent ainsi d’utiliser différentes mesures du niveau de gouvernance (cf. Banque Mondiale, Kaufmann et al., 2010) et de voir si leur effet diffère. On distingue :
Transparence et liberté d’expression.
Stabilité politique et absence de violence
Qualité de la réglementation
État de droit
Contrôle de la corruption
Selon les auteurs, l'apport de leur article repose sur la prise en compte à la fois de l'interaction investissements étranger/domestique et de la gouvernance. En effet, à la suite de la revue de la littérature effectuée, ils considèrent que les travaux sur l'interaction entre les deux formes d'investissements n’incluaient jusqu'à présent pas la gouvernance comme variable explicative, ou en tout cas ils ne considéraient pas qu’elle puisse jouer un rôle important sur ce potentiel effet d’éviction.
Ils vont donc tester l'hypothèse suivante : la qualité de la gouvernance influe sur la relation entre IDE et investissement privé.
Deux questions sont testées donc ici. Premièrement, quel lien existe-t-il entre IDE et investissements privés (effet d’éviction, d’entrainement, aucun effet) ? Deuxièmement, quel poids a la gouvernance sur ce lien ? La mesure choisie importe-t-elle sur ce poids ?
Les auteurs s'appuient sur le modèle de Dalmazzo & Marini (2000) qui cherche à expliquer le lien entre incertitude politique et sources de financement de l’investissement privé. Ce modèle théorique leur permet de déduire deux hypothèses :
H1 : La part de l’investissement privé total est supérieure sous des régimes stables. Autrement dit, une bonne gouvernance implique une part plus importante de l’investissement privé.
H2 : sous un régime stable les agents sont indifférents entre se financer par emprunt (interne) ou à travers des IDE (externes). Cependant, sous régime instable les IDE sont préférés pour se protéger du risque d’expropriation (on suppose un pouvoir de négociation plus élevé lorsqu’on s’allie à un partenaire étranger).
Résultats de l’étude empirique
Tout d'abord, l’investissement privé total est plus élevé sous des régimes favorables (ce qui confirme H1). Autrement dit, un bonne gouvernance semble favorable à une part relative de l’investissement privé plus importante.
Néanmoins, l’H2 ne semble pas confirmée par l’étude empirique, puisque les IDE sont découragés par l’instabilité politique, sauf dans certains secteurs (comme les industries extractives).
Par ailleurs, il semble exister un effet d’éviction des IDE sur l’investissement privé domestique. Cet effet d’éviction semble plus important lorsque la gouvernance est bonne. Notons également que l’effet (signe et ampleur) de la gouvernance semble dépendre du choix de sa mesure.
Une des explications apportée par les auteurs à cet effet d'éviction des IDE sur l'investissement domestiques est qu’une mauvaise gouvernance décourage les étrangers à investir dans le pays. Par conséquent cela entraine moins d’IDE. De plus, les opportunités d’investissements dans les pays en développement sont limitées. Ainsi, lorsque la gouvernance est bonne, il existe une compétition entre investisseurs domestiques et étrangers pour se saisir de ces dernières. Or, les investisseurs étrangers (IDE) occupent souvent une position plus favorables que ceux locaux. Par exemple, on peut citer l'importance des multinationales, qui possèdent davantage d’informations, d’expertise, des sources de financement plus efficaces etc.
Ce résultat pose un dilemme apparent pour la mise en place de politiques économiques. D’un côté il faut améliorer la gouvernance au sein du pays pour attirer davantage d’IDE, mais de l’autre l’effet d’éviction entre les IDE et les investissements privés domestiques semble limiter l’effet final sur la croissance économique. Améliorer la gouvernance tendrait ainsi à limiter l’effet de l’investissement total sur la croissance économique. Néanmoins, l’étude ne montre pas que les IDE ne sont pas nécessaires ou utiles, mais plutôt qu’il est important de soutenir (ou en tout cas de ne pas discriminer) les investisseurs domestiques vis-à-vis des investisseurs étrangers. Les auteurs recommandent donc d’instaurer des incitations à l’investissement pour les agents domestiques et de leur favoriser l’accès à des financement internes.