Inégalités mondiales : Quoi de nouveau sous le soleil ?
Anthony Atkinson (avec barbe)
En ce début d'année 2017 plusieurs nouvelles ont attiré mon attention pour finalement me pousser à rédiger ce post. Tout d'abord, il y a la disparition d'Anthony Atkinson, l'un des piliers de l'économie publique moderne (avec lequel Joseph Stiglitz a collaboré par exemple) et des travaux modernes sur les inégalités. Depuis les années 1980, jusqu'à très récemment, l'étude de ces dernières avait été délaissée, car considérée comme hors du champs propre à l'économie. Autrement dit, on s'intéressait davantage à la façon de faire augmenter le revenu national (c'est-à-dire aux déterminants de la croissance économique), plutôt qu'à sa distribution. Ce n'est qu'après sa disparition que l'on se rend compte à quel point Anthony Atkinson aurait mérité de se voir récompenser par le prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel.
Les deux méritaient en tout cas de le recevoir
Pour un récapitulatif de ses différents apports à l'économie, on vous conseille les posts de Béatrice Cherrier (qui montre encore une fois l'importance des historiens de la pensée économique) et Thomas Piketty (avec qui il a beaucoup travaillé). Vous pouvez également retrouver l'ensemble de ses travaux sur le site qui lui est dédié (ici). En tant qu'étudiant en économie du développement, on remarquera que ses derniers articles s'intéressaient aux inégalités dans certaines régions d'Afrique. En effet, l'une des difficultés majeures pour les pays à faibles et moyens revenus se trouve dans l'absence ou la mauvaise qualité des données disponibles. Reconstituer les séries historiques lorsque cela est possible représente un labeur énorme, mais terriblement important si l'on souhaite mieux comprendre les déterminants historiques du développement (ici par exemple pour le cas de l'Europe pré-industrielle ou encore ici, avec un auteur que l'on retrouvera plus bas).
C'est dans cette optique également qu'a été développé le nouveau (très beau) site de la World Wealth and Income Database. Comme le rappelle Thomas Piketty (encore lui), c'est "plus de 110 chercheurs issus de 70 pays dans le monde" (donc Facundo Alvaredo, Tony Atkinson, Lucas Chancel, Emmanuel Saez ou encore Gabriel Zucman) qui sont impliqués dans cet ambitieux projet. En passant, on vous conseille ce post de pseudoerasmus, érudit anonyme de la Toile-informatique-d'échelle-mondiale, qui regroupent une vingtaine de graphiques sur la distribution du revenu mondial.
Si l'on continue sur cette lancée, il faut rappeler que le grand spécialiste des inégalités mondiales est d'origine serbe et se nomme Branko Milanovic (oui voilà, le monsieur "que l'on retrouvera plus bas", mais aussi celui du 'Elephant graph', voir plus bas). Dans son dernier ouvrage, Global Inequality: A New Approach for the Age of Globalization (ici pour un compte rendu), il montre que si les inégalités globales ont eu tendance à diminuer ces dernières années, l'inverse s'est en moyenne produit à l'échelle intra-nationale (ici pour un article sur ce sujet). La parution de l'ouvrage tombe pour le moins à pic puisque les débats actuels sur les bienfaits ou non de la mondialisation (voir notre post pour un récapitulatif) ont remis sur la table les questions de distribution (des revenus, des gains au commerce etc.). Par ailleurs, il est également possible (et essentiel) de rattacher ce thème avec celui des migrations internationales, puisqu'il semblerait que ces dernières favorisent la convergence globale des revenus entre les individus.
note : On retrouve approximativement la classe moyenne chinoise en haut du crane de la bestiole et celle étasunienne dans le creux de la trompe ("Trump? Nan mais c'était vraiment imprévisible franchement!").
(aussi vous pouvez aller voir par ici)
Enfin, tout comme la question des flux mondiaux de migrations, celle de la distribution des revenus nous rappelle la nécessaire porosité des questions économiques vis-à-vis de celles morales et/ou éthiques (on espère vous partager prochainement un article sur ces réflexions). Il en découle alors de riches discussions épistémologiques, auxquelles Anthony Atkinson s'étaient déjà longuement attaquées.
Ainsi bouclons nous la boucle ouverte par cet article, en y accrochant par le même geste une ouverture vers les sphères de la philosophie, à la fois mère et berceau de l'économie.
XOXO comme disent les philosophes (...ah non?)