Tour d'horizon de la Coupe d'Afrique des Nations édition 2017 au Gabon
Ce samedi 14 janvier avait lieu le lancement de la 31ème Coupe d'Afrique des Nations (CAN) au Stade de l'Amitié de Libreville, capitale du Gabon. De nombreuses festivités avaient été prévues par la fédération avec notamment des feux d'artifices, les représentations de plusieurs artistes, avec en point d'orgue le passage du rappeur français Booba, rejoint sur la fin de son passage par Akon. Malgré une organisation où l'envie de bien faire transparaît, le stade à moitié vide laisse un sentiment de déception, conséquence probable des fortes tensions socio-politiques actuellement au Gabon. Le leader de l'opposition, Jean Ping, avait appelé la population au boycott de la compétition, utilisée selon lui à des fins politiques par le pouvoir en place. Il est donc évident que comme souvent, au-delà de ses enjeux sportifs majeurs pour les pays africains, la CAN 2017 se présente comme déterminante sous d'autres aspects bien loin du contexte footballistique. L'occasion pour nous de réaliser un rapide tour d'horizon des groupes et des forces en présence, ainsi que de nous atteler à l'explication du tout récent naming de la compétition, maintenant appelée CAN TOTAL, bien sûr du nom de notre chère multinationale énergétique.
GROUPE A : Composé du Gabon, de la Guinée-Bissau, du Burkina-Faso et du Cameroun, ce groupe est le seul pour lequel des matchs ont déjà été joués. Deux oppositions similaires, durant lesquelles le favori s'est finalement fait rejoindre au score. Pour le pays hôte, c'est l'inévitable Pierre-Emerick Aubameyang qui ouvre la marque au début de la seconde période en concluant une belle percée sur le côté de Bouanga. Mais le Gabon baisse le pied et concède finalement l'égalisation à la dernière minute par Juary Soares sur un coup-franc lointain, égalisation méritée pour la Guinée-Bissau qui n'a pas démérité en seconde période et s'est battue sans relâche pour le premier match de son histoire dans la compétition. Le second match de la journée, opposant le Cameroun au Burkina-Faso, est plus animé. Comme attendu, les Lions Indomptables dominent assez largement leur adversaire, et ouvrent le score sur un beau coup-franc du Lorientais Benjamin Moukandjo à la 35ème minute de jeu. Mais comme pour le premier match, les favoris ne se mettent pas à l'abri en marquant un deuxième but malgré de nombreuses occasions et les Étalons finissent logiquement par égaliser par Dayo (75ème) après un bon coup-franc lointain de Zezinho. Les 4 équipes sont donc à égalité parfaite après ces premiers matchs, et les favoris annoncés, à savoir le Cameroun et le Gabon puisqu'organisateur, ne sont finalement pas mieux engagés que les deux autres équipes du groupe pour se qualifier.
GROUPE B : On retrouve dans ce groupe relevé l'Algérie, la Tunisie, le Sénégal et le Zimbabwe. Les Lions de la Teranga, meilleure équipe africaine au classement FIFA (33ème rang) apparaissent comme l'un des favoris de la compétition avec notamment Sadio Mané, évoluant maintenant à Liverpool et symbolisant toute la fougue et l'envie de cette sélection. Mais les deux concurrent maghrébins du groupe, l'Algérie et la Tunisie, ne doivent pas être sous-estimés. Les Fennecs tout d'abord, qui courent après une victoire dans la compétition depuis 1990, pourront compter sur Mahrez, Brahimi et Slimani pour tenter de ramener le trophée à la maison. La Tunisie aussi, éliminée dans des circonstances un peu spéciales de la précédente CAN, compte bien s'imposer dans ce groupe. Le Zimbabwe, qui connaît lui sa première participation à la compétition depuis 2006 risque de jouer le rôle de « sparring-partner » dans ce groupe face aux trois gros concurrents. Mais la CAN réserve toujours son lot de surprises et les « Warriors » pourraient tirer leur épingle du jeu.
GROUPE C : Un groupe qui sera encore une fois très disputé, regroupant le dernier vainqueur la Côte d'Ivoire, le Maroc, la République Démocratique du Congo et le Togo. Si les Éléphants devront faire sans leur ex-capitaine Yaya Touré qui a pris sa retraite internationale, ils n'en restent pas moins favoris dans ce groupe avec un effectif évoluant majoritairement en Europe. Le Maroc, malgré les absences de Younès Belhanda et Sofiane Boufal pourra lui compter sur son sélectionneur Hervé Renard, vainqueur par deux fois en 2012 et 2015 avec la Zambie et la Côte d'Ivoire. Les Lions de l'Atlas, premiers qualifiés pour la compétition, ont bien l'intention de jouer plus qu'un rôle de figurants au Gabon. La sélection de la République Démocratique du Congo va elle essayer de faire meilleure figure par son football que ce que réalise actuellement son gouvernement malgré l'absence de sa star Yannick Bolasie, souffrant d'une rupture des ligaments croisés. En espérant que l'équipe ne refuse pas de quitter la compétition en cas d'élimination, prenant exemple sur son cher Joseph Kabila. Enfin, les Éperviers du Togo font figure de « Petit Poucet » face à ces trois ex-champions d'Afrique, comptant sur l'intemporel Emmanuel Adebayor (toujours sans club pour le moment) et ses 63 matchs pour 30 buts avec l'équipe nationale pour mener l'équipe vers l'exploit.
GROUPE D : Le dernier groupe comprend lui l’Égypte, le Ghana, le Mali et l'Ouganda. Les Pharaons, forts de leurs sept titres de champions continentaux, arrivent au Gabon en conquérants et compteront sur un Mohamed Salah en feu pour dynamiser leur attaque. Absents depuis trois éditions de la CAN, attention tout de même à ne pas se voir trop beau trop vite dans la compétition. Le Ghana, finaliste malheureux de la dernière édition, espère bien continuer sur la lancée de sa qualification décrochée tranquillement, avec un duo d'attaque expérimenté composé d'André Ayew et Asamoah Gyan, pesant plus de 60 buts sous le maillot des « Black Stars ». Le Mali sort lui aussi d'une phase de qualification traversée en toute sérénité par les joueurs d'Alain Giresse, ne perdant des points que lors d'un seul match contre le Bénin. Mais on se souvient de l'élimination mythique à pile ou face lors de la dernière compétition face à la Guinée Équatoriale, qui doit inciter les Aigles à s'attendre à n'importe quel retournement de situation pour cette nouvelle édition. Enfin, l'Ouganda, qui participe à sa première CAN depuis 39 ans, peut espérer créer la surprise dans ce groupe si l'équipe maintient le sérieux qui était le sien durant la phase de qualifications. Les « Cranes » ont terminé deuxième meilleure défense de cette phase, et compteront sur leur attaquant-pépite de 19 ans Farouk Miya (Standard de Liège) pour créer l'exploit.
GROUPE TOTAL : la signature du partenariat a été réalisé dans une relative discrétion le 21 juillet dernier, pour un contrat d'une durée de 8 ans entre la Confédération Africaine de Football (CAF) et le groupe énergétique français. Après la CAN Orange de 2015, pour cette 31ème édition et plusieurs suivantes ce sera donc la CAN Total. En dehors d'un bel exemple de cette chère « Francafrique » qui se maintient coûte que coûte dans une logique néo-colonialiste, que signifie cet accord ? Pour commencer, les dotations de la compétition sont augmentées, le vainqueur et le finaliste voyant par exemple leur récompense doublée, pour atteindre respectivement 4 millions et 2 millions de dollar. En dehors de cela, on peut se questionner sur le lancement de ce partenariat entre la CAF et Total au Gabon, alors qu'Ali Bongo réclamait à la multinationale en 2014 805 millions d'euros de redressement fiscale. Différent qui semble s'être finalement réglé sans plus d'explications en 2015, le doute est évidemment de mise quant aux règlements qui ont permis cet arrangement « entre amis ». Par ce sponsoring, Total tente de redorer son image notamment par l'organisation d’événements et récompenses en Afrique, utilisant le football dans une logique diplomate à la manière de certains États comme nous le décrivions dans un autre article. Enfin, comme le remarque très justement Anthony Hernandez dans un article pour Le Monde à ce sujet, « Depuis 2010, à l’exception de l’Afrique du Sud en 2013, quatre CAN ont été organisées dans des pays à l’importante manne pétrolière ». Effectivement, après l'Angola et la Guinée Équatoriale c'est au tour du Gabon, coïncidence qui ne doit évidemment pas être pris à la légère, particulièrement dans le milieu des institutions footballistiques où les intérêts de chacun sont toujours minutieusement entretenus.
In fine, cette édition 2017 de la Coupe d'Afrique des Nations promet d'être très intéressante sous plusieurs points. Le niveau des groupes promet de belles confrontations et de nombreuses sélections semblent pouvoir prétendre au tire de champion continental. Mais la compétition sera aussi le théâtre des tensions entre la classe dirigeante et une partie de la population et l'opposition au Gabon, à l'heure où la RDC s'enflamme elle aussi après un énième abus de pouvoir de la part du Président. Alors que la multinationale Total a récupéré le sponsoring de la compétition, les institutions footballistiques en place ne semblent pas enclines à reconsidérer la manière dont leurs choix sont déterminés, dans la lignée de la logique suivie par la FIFA, l'UEFA depuis bien longtemps. En espérant donc que cette compétition nous offre un beau spectacle sur le terrain et dans les tribunes comme elle en a l'habitude, sans pour autant servir les intérêts économiques ou politiques de certains groupes et individus.
Références :
http://www.lemonde.fr/sport/article/2017/01/12/les-liaisons-dangereuses-entre-total-et-le-football-africain_5061750_3242.html
http://www.sofoot.com/
http://afriquefoot.rfi.fr/20161019-can-2017-tous-groupes-passes-grill-gabon-algerie-egypte
http://www.francetvsport.fr/football/can/des-militants-gabonais-appellent-au-boycott-de-la-can-374247